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Histoire du Parc des Rapides

Rapides de Lachine

Le secteur de rupture avec le profil longitudinal du fleuve Saint-Laurent connu sous le nom des rapides de Lachine inclut l’île aux Hérons, l’île aux Chèvres ainsi que l’archipel des Sept Sœurs. Ce dernier est constitué de sept îlots dispersés à l’intérieur des 3 km formant les rapides. Il est à noter que les rapides de Lachine ne se retrouvent plus à Lachine. Les militaires et les marchands anglais les avaient nommés ainsi au 19e siècle alors que LaSalle faisait encore partie de Lachine.

Histoire géologiques des rapides

Les rapides sont des zones d’eau peu profondes à débit rapide. Ils ont tendance à se former initialement dans les cours d’eau plus jeunes ayant un débit plus direct et plus rapide que les plus anciens.

Les roches moins dures dans le lit d’un cours d’eau s’érodent ou s’usent plus vite. Ce processus est connu sous le nom d’érosion différentielle. Lorsque le lit du cours d’eau s’use, ce type d’érosion fait en sorte que les roches les plus solides finissent par briser le flux. Les nombreuses cascades qu’elles créent rendent la pente du courant plus abrupte et forment ce qu’on nomme les rapides ! Lorsque des vagues, obstacles et tourbillons s’ajoutent aux cascades, la sécurité d’un tronçon de rivière n’est plus assurée.

Les rapides peuvent néanmoins être importants pour la santé d’un système de flux. L’eau éclaboussant les roches capture l’air dans des bulles. Cette éclaboussure, appelée eau vive, conduit à une quantité plus importante d’oxygène dissoute dans l’eau. L’oxygène est utile pour les poissons, les insectes et les bactéries sous l’eau, et conséquemment pour l’écosystème entourant le cours d’eau tout entier.

Jacques Cartier & Samuel de Champlain

Historiquement, les rapides de Lachine sont connus pour avoir été une source de difficulté et de défi pour de nombreux navigateurs. Dès 1535, Jacques Cartier n’arrive pas à traverser ces rapides qu’il décrit comme suit : « […] il y a ung sault deaue le plus impetueulx qu’il soit possible de veoir ; lequel ne nous fut possible de passer ». Samuel de Champlain nomme pour sa part initialement les rapides « sault Saint-Louis » suite à la noyade de son jeune explorateur Louys en 1611. En ancien français, le terme « sault » signifie « rapides ».

Dessin du grand sault Saint-Louis en mai 1611 par Samuel de Champlain

L'ère des cageux

Les « cageux » sont de leur côté reconnus pour avoir bravé les rapides dès le début du 19e siècle. Les rapides de Lachine représentaient en effet un passage particulièrement périlleux pour ceux qui devaient y faire flotter d’immenses plates-formes flottantes portant le nom de « cages » dans le but de livrer du bois jusqu’à Québec.

L’industrie du bois était devenue florissante au Canada lorsque le blocus de la Baltique par Napoléon en 1809 empêchait l’Angleterre de se tourner vers la Russie pour s’approvisionner. Le bois de nos forêts en apparence inépuisables était ainsi transmis aux Anglais à partir de Québec. Mais encore fallait-il réussir à faire parvenir la marchandise jusqu’à la capitale. On faisait d’abord flotter des troncs d’arbres en provenance de diverses localisations dans les cours d’eau secondaires jusqu’à des points de rassemblement dans la région de Hull et à Kingston. Ensuite, les troncs étaient coupés en forme rectangulaire et réunis en radeaux. Ces derniers étaient enfin attachés les uns aux autres pour former les cages. De 1806 à 1907, celles-ci allaient descendre l’Outaouais et le Saint-Laurent en franchissant chutes et rapides. Les gens se rassemblaient sur le passage des cageux pour admirer leur adresse et venir à leur rencontre. Les dimanches après la messe, ils montaient parfois même sur les cages et pouvaient être invités à partager leur repas.

Deux parcours différents étaient empruntés par les cageux. Sur le trajet de Kingston à Québec par le Saint-Laurent, le pilote de cage Aimé Guérin avait atteint une certaine renommée. Originaire de Laprairie et surnommé le « le Vieux Prince », il aurait dirigé des cages au service de l’entreprise Calvin pendant plus de 60 ans sans jamais perdre un homme ! Et il devait pourtant franchir sur son parcours nos fameux rapides de Lachine ! Pour ce secteur du fleuve des plus complexes, le Vieux Prince s’assurait d’engager des autochtones de Caughnawaga (Kahnawake), experts en la matière.

À cette époque, les voyageurs réguliers et même les cageux pouvaient encore être forcés de faire du portage sur plusieurs kilomètres afin d’éviter les rapides. Par la suite, la construction du canal de Lachine entre le lac Saint-Louis et le Vieux-Port en 1825 a permis de simplifier le voyage vers Montréal.

Sawatis Aiontonnis

Figure emblématique des rapides de Lachine, Sawatis Aiontonnis, surnommé Big John Canadien, était un navigateur mohawk né en 1843. Comme son nom l’indique, il était de taille impressionnante. On lui faisait confiance pour naviguer sur les eaux impétueuses des rapides de Lachine entre le Montréal de l’époque et les territoires plus à l’ouest dont faisait partie son village mohawk de Caughnawaga. Il pilotait de nombreuses embarcations et proposait même des croisières aux gens.

La légende affirme que Big John aurait même été appelé sur le continent africain en 1885 pour exploiter son talent dans le cadre d’une mission de navigation de l’armée britannique sur le Nil ayant pour objectif d’aider un général pris au piège à Khartoum pendant la guerre du Soudan.

Vers la fin de sa carrière, Big John se plaisait à épater la galerie lors de chaque dernière nuit de l’année en remontant les eaux des rapides en canot avec son fils Alex. Un exploit qui nécessitait autant de courage que de maîtrise de l’art du spectacle !

Rocky Beach

L’avènement des bateaux à vapeur et les améliorations technologiques de la navigation correspondent officiellement à la fin du caractère insurmontable des mythiques rapides de Lachine. L’exploit associé au danger n’est plus nécessaire pour les traverser. Avant la construction d’un barrage au niveau de la 8e avenue en 1897, la Rocky Beach attire les touristes, citoyens, amateurs d’oiseaux et randonneurs sur le site actuel du parc des Rapides !

Centrale hydroélectrique & barrage hydraulique

En 1897, la compagnie d’hydroélectricité Lachine Rapids Hydraulic & Land Co. profite du potentiel hydroélectrique de la force du courant des rapides de Lachine et construit une centrale hydroélectrique ainsi qu’un barrage hydraulique au niveau de la 8e avenue à LaSalle. L’électricité alors produite était acheminée vers les résidentes et résidents de Saint-Henri, Sainte-Cunégonde et Westmount. Après la fusion de Lachine Rapids Hydraulic & Land Co avec Montreal Light, Heat and Power en 1903, la centrale cesse éventuellement ses activités en 1931 avant d’être démolie en 1948. Ses vestiges sont néanmoins alors toujours présents sur le site.

Création du Parc des Rapides

Après la destruction de la centrale, Hydro-Québec prend possession du territoire. La digue subit alors d’importants travaux de remblayage pour être intégrée à l’aménagement de ce qu’on nommera désormais le parc des Rapides. Depuis 1994, c’est Héritage Laurentien, en collaboration avec l’arrondissement LaSalle, qui permet la renaturalisation du site précédemment exploité par la centrale grâce à sa gestion écologique et à ses recherches scientifiques !

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